Le 11 mars, les équipes de football de l’AC et l’Inter Milan ont annoncé vouloir changer de stade et quitter San Siro, qu’elles occupent depuis 1926. Véritable temple du football, le stade Giuseppe Meazza, de son vrai nom, pourrait bien disparaître partiellement. Pour de nombreux Milanais, amateurs de football ou non, c’est une partie de l’âme de Milan qui est menacée.
« Changer de stade serait comme déménager de chez moi », confie Roberto*, fan de l’Inter Milan et guide au sein du stade Giuseppe Meazza, plus communément appelé San Siro. Pour Giuliano, vendeur à la boutique officielle et supporter de l’AC Milan, San Siro c’est « The Spirit of Milano ». Ce lieu, c’est cent ans d’histoires footballistiques. Un siècle que ce stade réunit deux camps de supporters, des Milanais, des Italiens venus d’autres régions, et des étrangers au bout de la ligne 16 du Tramway, à l’arrêt « Stadio San Siro M5 ».
Construit en 1926, San Siro est partagé par les deux équipes de football de la ville, l’AC et l’Inter Milan. Avec ses onze tours de béton érigées en amont de la Coupe du monde de 1990, le stade est devenu l’un des plus célèbres au monde. La « Scala del Calcio », en référence au célèbre théâtre italien, tient son surnom de son acoustique exceptionnelle. Une qualité sonore qui lui permet également d’accueillir de nombreux concerts ou de faire résonner « Sara Perché ti amo », devenu l’hymne de l’AC Milan, en son sein.
Pour la coquette somme de 35 euros et moyennant 1h30 de votre temps, des visites sont organisées. Au sein d’un groupe d’une quinzaine de personnes, vous pouvez découvrir les trésors du musée : trophée de la Ligue des champions, maillots de Zidane, Maradona, Ronaldo, Pelé… Tout ce qui a bâti la légende du stade au fil des décennies y est exposé. Puis viennent l’immense zone mixte, les vestiaires, celui de l’AC Milan et ses sièges en cuir, avec son célèbre « coin des Brésiliens », comme l’explique le guide, puis celui de l’Inter, plus modeste, muni de bancs et non de sièges individuels pour « développer l’esprit collectif ». Enfin, le couloir sombre menant jusqu’à la pelouse, éclairé seulement de néons aux couleurs des deux équipes, et puis, le clou du spectacle, le terrain, si proche des 80 000 places de spectateurs qui l’entourent.
Deux clubs, un lieu de rassemblement unique
Entre deux visites guidées, Roberto s’arrête volontiers pour évoquer, avec les yeux brillants, le stade de son enfance. Supporter de l’Inter Milan depuis ses cinq ans, il connaît l’endroit comme sa poche, lui qui l’associe à de nombreux souvenirs avec son grand-père, son père et son oncle. « Venir ici depuis que je suis petit et avoir l’opportunité d’y travailler et d’y être tout le temps… C’est un privilège pour moi. Je suis passionné par cet endroit. » Nicolas, qui tient la buvette de la porte 8 du stade depuis 18 ans, est originaire de Naples. Mais ce fan incontesté de l’Inter est arrivé à Milan « pour pouvoir venir au stade le plus souvent possible ». Au bar All Beer, à quelques centaines de mètres des tours de béton, Samuel et sa famille accueillent, chaque soir de match, des supporters de l’AC Milan venus de toute la ville. Et si la pancarte légèrement effrayante accrochée à la porte conseille de se méfier des propriétaires, ces derniers ont la chaleur dans le cœur et le sens de l’accueil. Pour eux, les matchs à San Siro sont prétexte à « de grandes fêtes où la moitié des gens se connaissent. »
san siro menacé
Depuis quelques semaines et l’annonce des deux équipes de leur volonté de quitter ce lieu mythique, San Siro est dans toutes les têtes. Le 11 mars, dans un communiqué commun, l’AC et l’Inter Milan ont annoncé vouloir déménager. Les clubs jugent le Giuseppe Meazza inadapté aux besoins des spectateurs et à leur volonté d’accroître leurs recettes tirées de l’exploitation du stade.
Un projet déjà évoqué en 2019 puis abandonné après la levée de bouclier des riverains et la lenteur administrative du processus. Selon les autorités locales, si le projet est cette fois accepté par la municipalité, les deux clubs devront racheter San Siro pour mener à bien, la construction d’un nouveau stade. Elle devrait démarrer d’ici la fin de l’année. Ce dernier pourrait être opérationnel en 2031 et serait situé à un kilomètre de l’actuel, en lieu et place du « Parco dei Capitani » (parc des capitaines). San Siro pourrait, lui, être partiellement détruit d’ici 2035.
Roberto a du mal à croire que « l’un de [ses] endroits favoris sur Terre » puisse disparaître : « San Siro a cent ans et il y a eu un nombre incalculable de moments incroyables et de joueurs exceptionnels ici. Depuis que je suis né, c’est ce que j’associe le plus à mon club. » Même son de cloche chez Giuliano qui estime que « changer d’endroit, ce serait oublier la mémoire de San Siro ». D’autres fans comprennent néanmoins ce projet, à l’image de Nicolas. Malgré sa passion pour l’endroit et une certaine tristesse, il comprend que « le stade tombe en ruine » mais espère que le prochain ne changera pas de nom et sera « encore plus beau ».
Des tisfois dérangeants
Du côté des riverains, le projet est mieux accueilli. Max, chauffeur de tramway depuis trente ans, qui a notamment conduit de nombreux supporters jusqu’au terminus de la ligne 16, au pied du stade, reste assez détaché de l’endroit. Pourtant supporter de l’AC Milan, il l’associe aux « tifosis mal éduqués et indisciplinés » qu’il a souvent croisés. Et le constat est similaire pour Aldo, un habitant du quartier qui assure que « les habitants des environs en ont marre et ne sont pas heureux de ce qu’apporte le stade ». En cause ? Les supporters, une nouvelle fois, qui sèmeraient le « chaos » et privilégieraient la voiture aux transports pour se rendre sur place, rendant les soirs de match difficiles dans ce quartier calme et résidentiel.
La « Scala del Calcio » va peut-être fermer ses portes à l’horizon 2035. Mais d’ici là, cette enceinte de 80 000 places continuera de rayonner. Elle accueillera la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques 2026 de Milan-Cortina.
* Prénoms modifiés